C'est le phénomène du moment. Reconnaissable à son curieux pseudo qu'il partage avec son personnage récurrent, Mallock est l'un de ces magiciens qui nous embarquent au carrefour du thriller et du fantastique. Mue par la curiosité, j'ai lu Les Visages de Dieu, le premier tome des aventures d'Amédée Mallock. Attention, coup de coeur !

Dans la mort le masque divin
Un malade s'amuse à découper des gens et à mettre en scène leur cadavre dans des positions faisant référence à des scènes bibliques. Alors que la police piétine depuis plusieurs mois, les hauts gradés du 36, quai des Orfèvres décident de confier l'enquête au commissaire divisionnaire Amédée Mallock, même s'ils n'apprécient pas vraiment le personnage. Qu'à cela ne tienne, ce sont bien ses méthodes décriées qui font enfin avancer l'enquête et mettent les policiers sur la piste d'un psychopathe qui cherche à reproduire le visage de Dieu...

Bouclez bien vos ceintures avant d'ouvrir Les Visages de Dieu, entrée directe dans le feu de l'action assurée ! Mallock nous embarque dans un page-turner ultra-dynamique, sans le moindre temps mort. L'intrigue, sanglante à souhait, flirte avec le thriller ésotérique, sans toutefois manquer un instant de vraisemblance. Les descriptions sont très réalistes, bourrées de détails, comme ces nombreuses scènes d'autopsie que les âmes sensibles préféreront éviter.

Au centre, Amédée Mallock, personnage haut en couleur et plutôt caractériel, sorte de "gros ours" bourru mais gentil, que l'auteur a eu l'intelligence de faire complexe afin de ne jamais tomber dans la caricature. Avec ses failles et ses méthodes, on s'attache rapidement au commissaire dont on suit les aventures avec délectation.

Un mot sur le style : c'est la meilleure surprise de ce roman. Vive, ultra-réaliste et à la fois poétique, l'écriture de Mallock est un mélange inattendu de lyrisme et de prosaïque qui fonctionne à merveille. J'ai également adoré les nombreuses références aux œuvres de Goya et Jérôme Bosch (deux de mes peintres favoris) pour décrire l'esthétique des meurtres :

Oui, il y avait le goût du grotesque chez le Maquilleur. Il y avait chez lui une obsession pour le diable, la rédemption par le supplice, le même penchant esthétique pour la torture et les visions infernales, que l'on pouvait trouver chez Goya ou dans les œuvres de Jérôme Bosch, sur l'aile droite du Jardin des Délices. (p.160)

Pour moi qui suis habituée à ce genre de romans riche en hémoglobine, Les Visages de Dieu est un sans faute. Plus qu'un simple thriller, il réunit une intrigue surprenante, crédible et pleine de rebondissements, un personnage attachant et un véritable travail d'écriture. J'ai déjà hâte de lire la suite des aventures du commissaire Mallock !

Les Visages de Dieu de Mallock, Pocket, 2014, 430 pages


Pour la petite histoire...
J'ai participé, en mars 2014, à une rencontre de lecteurs très intéressante avec Mallock, au cours de laquelle il a évoqué ses méthodes d'écriture, la naissance du personnage de Mallock, etc. Pour en savoir plus sur cet auteur plein de surprises, je vous invite à aller lire ou regarder l'excellente interview de Myriam, du blog Un Jour Un Livre.

Cela fait près d'un mois que je ne vous ai rien écrit et, pour ce retour sur le blog, j'avais envie de vous parler d'un livre appartenant à un genre que je lis très rarement : le Young Adult. Alors que j'évite soigneusement ce type de livres d'habitude, j'ai tout de suite accroché à ce roman, Geek Girl. Et même s'il ne me réconcilie pas totalement avec le genre, j'ai passé un très bon moment.

De geek à chic
Imaginez une geek, ado, incollable sur la science, l'histoire et la science-fiction mais pas douée pour un sou pour les relations humaines. Le genre de geek qui, si elle avait dix ans de plus, aurait tout à fait sa place dans The Big Bang Theory (qui est MA série du moment, soit dit en passant). Harriet Manners, 15 ans, est de ces geeks-là. Intello et ultra-curieuse, elle ne peut pas s'empêcher de vous faire la leçon sur l'interdiction des chewing-gum à Singapour ou sur le fait que votre cœur s'arrête de battre quand vous éternuez. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle n'a pas beaucoup d'amis au lycée. Elle n'en a qu'une, en fait : Nat, sa "pire pote", qui rêve depuis toute petite de percer dans le milieu de la mode. Alors quand, à une convention de mode où Nat l'a tirée de force, Harriet est repérée à sa place par une agence de mannequinat, c'est le monde entier de l'adolescente qui bascule.

J'ai tout de suite adhéré au concept de Geek Girl : comment une geekette que la mode et les apparences n'ont jamais intéressées peut-elle devenir un mannequin ? De ce point de départ, l'auteur, Holly Smale, construit une intrigue originale, drôle, où le comique de situation et de narration, associé à des tas d'anecdotes et de références geek, scientifiques et littéraires, ainsi qu'à des personnages un poil caricatural, joue une place prépondérante. J'ai beaucoup souri pendant ma lecture qui fut un réel divertissement.

Très sincèrement, j'ai passé un agréable moment avec ce livre, comme je passe un très bon moment avec un bon roman de chick-lit. Le seul hic : j'ai regretté les préoccupations trop "teenager" d'Harriet et son manque de maturité. Bien-sûr, elle n'a que quinze ans, et à son âge, la peur que votre meilleure amie vous fasse la tête pendant plusieurs jours peut constituer une préoccupation importante, je le conçois.

Les jeunes et amateurs de romans jeunesse apprécieront ce roman drôle et sympathique, il n'y a pas de doute. Malheureusement, pour moi, il manque quelque chose, et c'est clairement l'une des raisons pour lesquelles je reste souvent sur ma faim quand je lis de la Young Adult.

Geek Girl, tome 1 de Holly Smale, Nathan Jeunesse, 352 pages, dès 12 ans
Tome 2 à paraître chez Nathan Jeunesse en septembre 2014