Bien que mes goûts littéraires tendent vers l'éclectisme, j'aime toujours revenir au thriller, mon genre de prédilection. Récemment, j'ai été agréablement surprise par le roman étonnant d'une auteur talentueuse : Apnée noire de Claire Favan.

Méfiez-vous des apparences
A peine un an après s'être éveillée d'un cauchemar macabre, la ville de Colombia, aux Etats-Unis, doit à nouveau faire face à l'intolérable : la série de meurtres a repris. C'est toujours la même signature, une femme, pieds et poignets liés par une corde bleue, retrouvée noyée dans sa baignoire. Cette signature, c'est celle de Vernon Chester, le serial killer qui a fait trembler la ville. Mais voilà, Chester a été exécuté il y a un an. A-t-on affaire à un imitateur ou le FBI s'est-il trompé de cible ? L'agent spécial Megan Halliwell a son avis sur la question, mais elle doit bien composer avec la police locale, et notamment ce Vince Sandino, un flic raté sur la pente descendante...

A la lecture des premières pages d'Apnée noire, j'ai bien cru à un polar lambda, digne d'un bon épisode des Experts : efficace mais sans surprise. C'était sans compter sur l'imagination perverse de Claire Favan, qui a bien écrit là un excellent thriller. Rapidement, on sort des codes classiques du roman policier, l'intrigue se creuse et devient de plus en plus complexe, marquée par des impasses et des rebondissements multiples.

Toute l'intelligence de ce roman réside dans la profondeur des personnages principaux, les enquêteurs Halliwell et Sandino, et dans leur perception de l'enquête. J'ai entendu Stephen King dire qu'un roman ne vit pas par son intrigue, mais par ses personnages. Cette affirmation trouve toute sa résonance dans Apnée noire, dont le déroulement est plus que jamais influencé par les perceptions, les doutes et les certitudes de ses protagonistes. Avec une habileté sadique et un style qui tranche dans le vif, Claire Favan balade son lecteur et l'emmène exactement là où elle le veut, en le faisant passer par de fausses pistes qu'elle prend ensuite un malin plaisir à dégommer.

Avec son rythme soutenu, son intrigue en épingle à cheveux et ses personnages complexes, Apnée noire m'a laissé sur une excellente impression. A lire si vous aimez les surprises.

Apnée noire de Claire Favan, Pocket, 2015, 380 pages
Il y a parfois des moments où j'ai besoin d'un livre courte, drôle et surtout sans prise de tête pour m'aérer l'esprit. Ma dernière lecture, La Philosophie selon Bernard de Patrice Jean, répond à ces trois critères.

La philosophie dans le caleçon
Bernard Michaud est ce qu'on appelle un beauf. Un bon gros couillon à l'esprit mal placé, reconnaissable à ses blagues vaseuses, son attitude queutarde et ses jugements à l'emporte-pièce. Le genre de type qui méprise de loin la philosophie sans jamais s'en être approché. Mais lorsque Christine, sa supérieure dont il lorgne le postérieur à longueur de journée, déclare un jour "Oui mais Bernard, c'est un philosophe", l'individu se rend à l'évidence : lui, le philosophe qui s'ignore, va remettre son esprit en route pour faire profiter à l'humanité de ses pensées... et mettre Christine dans son lit.

En mettant en scène les tribulations philosophiques de son personnage, Patrice Jean s'est fait plaisir : Bernard-vote-à-droite parmi les altermondialistes, Bernard le réac' dans une réunion de profs, Bernard l'amateur de soirées bière-match de foot dans un café philo... il lui a fallu en subir, des épreuves, pour se taper la Christine. Au fil des aventures de Bernard, on rit devant les situations cocasses dans lesquels se met le pauvre bougre, mû par son "esprit philosophique" tout entier contenu dans son caleçon.

Mais rapidement, l'esprit beauf revient au galop et Bernard redevient lourd et lassant, ce que l'auteur ne manque pas de souligner. D'ailleurs, tout le monde, dans son livre, en prend pour son grade : de l'illustre Bernard, dont le cerveau se situe la plupart du temps sous la ceinture, à son rival, Michel Le Berre, philosophe bobo prônant encore la lutte des classes, en passant par leurs admirateurs et admiratrices, toujours prêts à gober leurs paroles les plus incongrues, pourvu qu'elles aient l'air d'avoir été déclarées en philosophe. Au fond, tous les personnages ont leur lot de ridicule et s'accrochent aux théories de grands philosophes dont ils n'ont rien compris pour justifier leurs petites idées. Aristote, Platon, Nietzsche, Descartes et tous les auteurs cités ont de quoi se retourner dans leur tombe.

Côté style, la plume de Patrice Jean est bien affûtée et ironique à souhait. Le comique de situation est redoublé par le malin plaisir que prend l'auteur à choisir des mots qui décrivent la médiocrité qui nous entoure... et qui font mouche. Une belle tranche de rire en perspective.

La Philosophie selon Bernard de Patrice Jean, Pocket, 2015, 152 pages
En règle générale, j'aime bien "souffler" entre deux tomes d'une trilogie en lisant un livre d'un genre différent. Mais une fois lu le premier volet du Chat du jeu de quilles de Florence Clerfeuille, j'ai eu envie d'en connaître la suite sur le champ. Je me suis donc ruée sur le tome deux, et je n'ai pas été déçue.

Alerte enlèvement en terre aveyronnaise
Le second tome du Chat du jeu de quilles démarre sur un événement inattendu qui agite la tranquillité du village : après avoir révélé dans la presse l'identité du meurtrier du père Pommier, Manon a mystérieusement disparu. Si certains ne semblent pas bouleversés par cette disparition, Marc, lui, met tout en oeuvre pour la retrouver. 

Dans cet opus, l'intrigue se resserre autour de Marc, qui vadrouille entre l'Aveyron et Paris à la recherche d'indices pouvant le mettre sur les traces de Manon. Il rencontre notamment deux personnages hauts en couleurs : la mère et la grand-mère de la jeune femme, toutes aussi originales qu'elle. Ce second tome est également l'occasion d'approfondir la personnalité de certains habitants du village qui s'étaient faits plutôt discrets jusqu'à présent.

Au final, Florence Clerfeuille livre là un deuxième opus plus dynamique, plus rythmé et encore plus addictif que le premier. Avec une intrigue pleine de rebondissements et de surprises, le suspense est à son comble.

La seule frustration de ce roman, c'est de devoir en attendre la suite, à paraître en juin prochain. Soyez certains que je serai parmi les premiers à lire le troisième et dernier tome du Chat du jeu de quilles et que je vous en parlerai sans faute. En patientant, plongez-vous dans les deux premiers volets de cette trilogie à fort potentiel.

Le chat du jeu de quilles, tome 2 : Qu'est-il arrivé à Manon ? de Florence Clerfeuille, 196 pages
Tome 1 et tome 2 disponibles en ebook sur Amazon
Tome 3 à paraître en juin 2015